Maurice et le pot au lait

Un ciel bleu cendré laissait présager

Ce que les anciens avaient annoncé.

Au cours de la nuit, silencieusement,

La neige, sans bruit, tomba posément

Sur notre petit village endormi,

Et d'un blanc manteau, elle le recouvrit.

Bien emmitouflés sous les couvertures,

Bien avant le lait et les confitures,

Nous savions déjà et sans l'avoir vue,

Qu'elle était bien là, toute blanche et nue.

Pour nous les enfants, en ces temps bénis,

Cette belle amie n'avait pas de prix.

Au milieu des rues, à nous amuser,

Nous nous retrouvions, toute la journée.

La maison perchée, au bas du village,

Etait habitée par Joseph le Sage.

Il vivait heureux au milieu des siens,

Auprès de Juliette et de leurs bambins.

Ce jour là, le lait, venant à manquer,

Momo se propose d'aller en chercher.

Toute émue, sa mère, d'un air attendri,

Lui donne les sous, pour l'épicerie.

En recommandant de faire attention,

Elle pose un baiser sur son petit front.

Le pot à la main, l'enfant tout content,

Imitant le train, s'en va en sifflant.

Sans trop se presser, remontant la rue,

Par nous embusqués, il est aperçu.

Après son passage, sans aucun regret,

Une attaque en règle est organisée.

Au bas de la Mairie , aux grilles de l'école,

Au pied du gros mûrier, au milieu des rigoles,

Les blanches munitions fignolées avec soin

Naissent bien lisses et rondes de nos petites mains.

Soudain, à nos oreilles, un joyeux sifflement,

A nul autre pareil, titille nos tympans.

Plus de doute permis, descendant vers la place,

''Le grand'', tel un poisson, file droit dans la nasse.

Tout à coup, il est là, au beau milieu du piège,

Bombardé de tous coins, par nos boules de neige.

Pour mieux se protéger et pour mieux se défendre,

Il pose le pot précieux sur de la neige tendre.

Une boule égarée au milieu de l'assaut,

Egarée si on veut, renverse le grand pot.

Et la neige, à l'affût, avale en deux gorgées,

Le bon lait destiné au petit déjeuner.

Envahi par la rage, c'est la moitié d'un fou,

Qui, tel un gros orage, s'abat tout droit sur nous.

Pareils à des moineaux pris en flagrant délit,

Nous nous éparpillons en poussant de grands cris.

Son instinct de survie complètement gelé,

Mon frère aîné choisit le plus mauvais côté

Soudain, sous le préau, sans issue de secours,

Il se trouve piégé, et sans aucun recours.

Dame Brouette alors , trainaillant dans un coin,

Ote une belle épine du pied de mon frangin.

Bien à l'abri derrière, il pense à réfléchir

Au moment le plus sûr de pouvoir déguerpir.

La peur donnant des ailes, il trouve le moyen,

Au prix de belles feintes de changer son destin,

Laissant là l'ennemi, bien seul sous le préau,

Avec le gros souci de ramener le pot.

 

La fin de cette histoire, je ne la connais pas,

Pour la bonne raison que je n'y étais pas.

Aucun de nous d'ailleurs, depuis peut se vanter,

D'avoir suivi Momo pour vous la raconter.