Le Chateau

 

   

Direction des Archives Départementales

Recherche du lieu de Planèzes

 

Ledit jour, premier octobre et an, estans audit lieu de Planèzes acistés dudi Jeans Bers (?) bailli et Domeng Armengaud, nous sommes transportés au vila(ge) pour faire la par-- //

de l'Auriol, le Pla Bas C- conil, le camp delz Olliens [Ollieus], le Pech de Roquecorbe, la Tourisse , la Jasse de las Baques et aultres endroitz et avons trouvé jugé en contenance à la quantité de mil trente sept cesterées terre, scavoir de bonne trois cesterées, de moyenne quarante huit cesterées, de foible deux cens trente sept cesterées, de herm sept cens quarante-neuf cesterées, jugé les deux cens cinquante foible et les deux cens inutille.

Dans laquelle quantité de terre sus mentionnée ne sont comprises les pièces suivans pour estre bien noble et non rural (?) : premièrement un vieux chasteau ruiné, une petite maison où le vicaire habite estant faite dans les // ruines dudit chasteau –

a las Jasses contenant deux cesterées terre, deux ferrati de mesme contenance, tout ce dessus appar|tenant] au seigneur dudit Planèzes, le sieur du Vivier y a aussy un fief noble concistant en deux olivetes, deux petites vignes et champs joignantz le vilage, que le tout peut contenir quatre ou cinq cesterées terre.

 

  • Terre bonne III cesterées |trois]
  • Terre moyenne XLVIII cesterées [48]
  • Terre foible IIc XXXVII cesterées [237]
  • Terre herme VIIc XLIX cesterées [749]

Gracieusement transcrit par Mme la Directrice des Archives Départementales de PERPIGNAN

 

EXTRAIT DU BULLETIN DE LA SOCIETE AGRICOLE ET SCIENTIFIQUE DES PYRENEES ORIENTALES DE 1935

 

(M L'ABBE JEAN CAPEILLE)

Jean de Voysins, seigneur d'Arques (Aude) avait épousé une fille de François Belcastel, ancien seigneur de La Tour de France, appelée Isabeau. Il dressa, en 1480, un dénombrement de ses divers domaines féodaux. On rencontre dans ce document la nomenclature de ses fiefs. La localité de PLANEZES est mentionnée dans le nombre des propriétés de ce seigneur au même titre que celle de La Tour de France.

 

« Sia so lo denombrement de las terras et senhorias que jo Joan de Vesis segnor d'Arquas tinc del rey nostre sobiran segnor. 

La Tour de Fenouillèdes totalimen destruhida gastada pilhada et las personas murtridas per los enemics aragonesos ont a un castel romput moyena et bassa juridictio.

 

  • Item censos dargen VC
  • Item censos de galinas XX
  • Item agriers de vi XX saumadas
  • Item agriers de blat tant soquiol,
  • froment, comme autros blats V saumadas
  • Item lo moli del blat rabatudes
  • réparations et autros despens XXC
  • item lo moli del oly rebatudes
  • réparations et autros despens VIII l.
  • Item journals que valen IC,
  • Item herbatges quant y a bestial IC,
  • Item foriscapis VI l.

Per so que los enemichs d'Arago n'an menat tot lo bestial et las gens non pot hom levar de la renda.

Planesas am juridiction moyena et bassa hont a un castel.

  • Item d'agriers de vi
  • Item censos de galinas X saumades
  • Item agriers de blat XV
  • Item de queste de pasquié V saumadas
  • Item journal et autros censos menuts I l
  • I f.

 

Loqual loc es estat destruit et afogar per los aragonesos et los habitants y son morts et sen son anats totalment que lo dit loc dimora inhabitable et no se potres levar de las rendas.

Loqual denombrement baile jo sobredit Johan de Vesis, segnor d'Arquas a vos mossur lo commissari am protestation de metre et ajutar si res avai laisst de mettre per obli o autrament et de tolre si cans y avia mesa que no li digues metre si necessaria era et am los autros protestations necessarias et en tals cas acostumadas de mettre et de fayre ». (Archives municipales de La Tour de France).

 

Un cahier de reconnaissance contient celles que Jean de Voysins avait faites au roi Louis XI en 1480. Le parchemin fut transcrit à Carcassonne, à cette date. Il s'exprime ainsi :

« Sapiau tots que los présents veiran que ieu Jean de Vesis segnor d'Arquas adnove et reconissi a tenir del rei nostre sire in fe et homatge… Arquas, Puyvert, Montfort, Villefort. »

 

Le dénombrement des terres et seigneuries de François de Montesquieu fut effectué à Carcassonne, le 17 mai 1639. Il établissait de la sorte le relevé de ses domaines seigneuriaux :

 

  • 1° Les Châteaux et seigneuries des lieux de La Tour , Planèzes, Saint-Martin, avec toute justice haute, moyenne et basse, mère et mixte empire. La terre de ces seigneuries lui apporte environ 10 sestiers de blé, tout frais déduits ;
  • 2° La tasque de ces seigneuries lui revient à peine de 20 sestiers de blé, frais déduits ;
  • 3° La tasque du vin, frais déduits, environ 20 charges de vin ;
  • 4° Pour l'huile, la tasque lui revient environ à 1 charge huile ;
  • 5° Le courtage, mesurage et permission de débiter les chairs lui rapportent environ 25 livres ;
  • 6° Il a encore une vigne de 10 journée à fossoyer, qui porte environ 4 charges de vin ;
  • 7° Il a encore deux moulins à eau, l'un pour faire la farine, l'autre pour l'huile dans un même enclos, encore un moulin drapier. Il est vrai que le moulin drapier est vieux, les autres sont en bon état.

« Mais, notait avec amertume le seigneur, depuis quelques temps, les habitants dudit lieu de La Tour , en hayne du procès qu'ils ont pendant contre moy, de leur autorité privée ont fait construire deux moulins à farine et à huile, dans un arrière-fief qui relève de moy et qui est au sieur archevêque de Narbonne, tellement que depuis mes moulins demeurent en chôme et ne me rapportent aucune rente, au contraire ; il faut y employer beaucoup de réparations. »

  • 8° Pour les droits de censives, de lods, de rentes, il y a aussi procès entre François de Montesquieu et les habitants de La Tour de France. Sur ce fondement, les habitants prennent prétexte de ne payer que fort peu, environ 10 livres par an ;
  • 9° Le seigneur démontre qu'il a été déchargé du ban et arrière ban soit à raison de son âge ou des services rendus au roy et à ses prédécesseurs et encore parce que les terres de La Tour , Planèzes, Saint-Martin sont limitrophes du royaume d'Espagne, ainsi qu'il est notoire, tellement qu'en raison des guerres entre Sa Majesté et le roi d'Espagne, il est obligé pour la conservation de ces places de tenir garnison de plusieurs soldats à l'entretien desquels les revenus de la dite place sont insuffisants :

 

« En 1636, les ennemis de l'Estat commencèrent de faire des courses sur les frontières, et même un régiment espagnol estoit logé à Estagel, qui est proche de La Tour , et comme le lieur de La Tour est un lieu sans aucune forteresse, partie des familles s'en allèrent. En l'année 1637, levèrent le siège de Leucate, le dit lieu de La Tour déserta entièrement et demeura inhabitable pendant deux années de suite, à cause des courses que les ennemis faisaient, et mesme que feu Monseigneur le prince de Condé avait fait une ordonnance qui défendait de ne tenir aucune sorte de bestail à trois lieues de la frontière dans le terroir du dit La Tour. Il ne se trabaillait rien. En l'année 1639, l'armée du Roy campe durant onze jours au dit La Tour , ce qui ruina tout à fait le dit lieu et en l'année 1640, le lieu acheva de se perdre entièrement par le pillage et le brûlement de tous le lieu, à la réserve de l'église qui fut sauvegardée par l'armée espagnole, ce qui fut cause que le dit lieu demeure quasi désert pendant quelques années. »

 

François de Montesquieu mourut en l'année 1639, son fils, Annet de Montesquieu recueillit sa succession.

 

EXTRAIT DU LIVRE

 

« LES CELLERES ET LA NAISSANCE DU

VILLAGE EN ROUSSILLON »

 

(M. AYMAT CATAFAU)

Planèzes

Fenouillèdes

 

Planèzes ne fait pas partie du diocèse d'Elne, on excusera cette incursion en pays d'Oc, motivée par la présence du terme cellera dans la documentation réunie sur ce village 1.

La villa Planasiis n'est mentionnée pour la première fois qu'en 1260, l'ancienne église Saint-Pierre, située à l'écart du pôle villageois actuel, groupé autour d'un piton rocheux où s'élevait le château, daterait des XI è- XII è siècles. Une parcelle ovale non bâtie l'entoure, c'est l'ancien cimetière.

En 1365, le village compte vingt feux mais il n'y en avait plus qu'un à la fin du XIV è siècle 2.

 

Regroupement villageois et cellera :

 

Un intéressant document daté de 1363 évoque une cellera en des termes très surprenants et pose d'importantes questions. Il s'agit du contrat de cession en acapte de trois terrains à bâtir à trois hommes différents, par le seigneur de Planèzes, Bernard Guillem du Vivier (seigneurie importante du Fenouillède)3. En effet, à trois reprises, le seigneur accorde un patuum en des termes identiques : le preneur devra y bâtir une ou des maisons, et ce terrain est situé « intus cellariam seu fortalicium que debet fieri in dicto loco ».

Il y a là sans aucun doute l'indication d'une volonté de construire un « fort » appelé « cellera » , loti de manière organisée par le seigneur du lieu. De plus, l'un de ces terrains, confrontant cum castro dicti loci, il semble clair que le centre de ce regroupement de maisons est le siège du pouvoir châtelain4.

Un pôle villageois a pu exister autour de l'église. Par suite de la concurrence exercée par le château du seigneur ou des ravages causés par des incursions militaires, ce village ecclésial a disparu, ou est mourant ; le châtelain cherche alors à peupler un nouveau village au pied de son château.

Le nom de cellera vient-il du fait qu'il organise dans cet enclos sous-castral le regroupement des celliers et des provisions ? Est-il un souvenir d'une première « vraie » cellera formée jadis autour de l'église ? Ou plus simplement, le terme a-t-il pris un sens générique de « fort villageois » ? Ceci ne manquerait pas d'être important comme indice de la diffusion du phénomène et du mot de «   cellera » , même avec un sens galvaudé.

 

Plan et vestiges architecturaux :

 

Le château devait se trouver à l'emplacement actuel du château d'eau, sur le rocher qui surplombe le village. A quelques centaines de mètres au nord-est, l'église est encore entourée de son cimetière. Au nord de l'église, une petite éminence est surmontée de rochers qui portent la trace d'aménagements pouvant avoir servis à fixer des poutres, poteaux ou fondations de constructions en bois (une fortification ?).

 

Synthèse :

 

Le cas de Planèzes montre en formation une cellera atypique, de création tardive et d'initiative seigneuriale, au pied du château. Cette création peut en outre faire suite à l'abandon d'un site d'habitat plus ancien groupé autour de l'église. Le phénomène de réorganisation de l'habitat à la fin du moyen-âge a pris des formes différentes, autour du château ou sous la forme de « forts »5. Il n'est pas indifférent qu'en bordure du pays catalan, où le phénomène de la cellera a marqué durablement les formes villageoises, le nom choisi comme équivalent de fortalicium soit celui de cellera . Une cellera dénaturée, qui désigne une toute autre réalité. Cet usage révèle son omniprésence dans les structures villageoises et dans les esprits.

 

•  C'est bien entendu d'abord à mon ami Dominique Baudreu que s'adressent ses excuses. Lui qui étudie les village du Fenouillèdes, et que j'ai informé de mes rares empiètements sur ses terres, comme il m'a tenu au courant de ses travaux, qui m'ont bien souvent servi de référence et d'exemple.

•  G.G.C.C.,vol. 14, p.476-477.

•  B. Alart, C.M., t.XV, p.64-66, notule de Gaucelme Ferreol, notaire d'Ille, année 1363.

•  Si c'étaient des celliers qui devaient être construits, on pourrait penser à une « cellera » du type du castillo diposito dont parlait Settia, colloque de Rome, 1980. Il semble qu'il s'agisse ici d'une opération de refondation du village autour du château.

•  On pense aux « forts du Toulousain » et à leur structuration en « loges », nés dans la deuxième moitié du XIVe siècle, et étudiés par Anne Briançon, thèse en cours à l'Université de Toulouse-Le Mirail.

Planèzes et ses environs

Sur la rive gauche de l'Agly, le village de Planèzes est construit au pied de la butte qui portait le château, à l'emplacement du réservoir actuel. A environ 300 mètres au nord-est du château s'élève l'ancienne église entourée de son cimetière. A la même distance de l'église, à peu près, vers le nord, un piton rocheux porte les vestiges d'aménagements pouvant correspondre à la fixation de constructions en bois (tours ?).

Plan cadastral de Planèzes : le village au pied du château et l'église à l'extérieur 

 
    AV AP